Le Pralet : histoire d'un fief

Le Château du Pralet et  la Maison d’Outreville – cliché jmrb_2006 (Musée Condé Chantilly-CP-C-0103) L’histoire du Château de Chaumontel remonte au 14ème siècle.
Au fil du temps, il s’est successivement appelé manoir, maison, hostel seigneurial.
Son site est un fief dénommé Praalet. L’orthographe varie selon les textes, le fief a pris pour nom Pralet, Praesley, Preslay, Praellet, Prasley, Prélay. Nous avons retenu Le Pralet pour désigner le domaine.
 

 

Château de Chaumontel, ancien fief du Pralet - clichés jmrb_2006               Château de Chaumontel, ancien fief du Pralet - clichés jmrb_2006
 

Le fief est alors le chef-lieu de la seigneurie de Chaumontel (G. Macon, Historique du domaine forestier de Chantilly - II. Forêts de Coye, Luzarches, Chaumontel et Bonés, Senlis, Imp. Eugène Dufresne, 1906). Le fief est un élément territorial émanant du régime féodal. Il est donné à titre de récompense par le suzerain à son vassal ou en échange de services. Tout manquement aux devoirs entraîne la confiscation du fief.  Archives du Musée Condé Chantilly(série BH Chaumontel-carton 1)Cliché jmrb_2006

Le document le plus ancien attestant de l’existence du fief est de 1351. Par acte du 18 août 1351, Robert Guy, Chevalier, Isabelle de Béthancourt, sa femme, et Nicolas Morle, frère de Robert Guy, vendent à Pierre des Landes, changeur et bourgeois de Paris, un manoir situé à Chaumontel, avec 43 arpents de terre et 92 arpents de bois.

 

A Chaumontel, le Pralet est un domaine féodal dont le possesseur se dit seigneur de la ville disposant de haute, moyenne et basse justices sur tout le territoire de la seigneurie. Cette autorité de justice lui confère le droit de juger les actes de vol, de rapt, d’incendie, de meurtre et de larcin, d’imposer une amende ou la confiscation des biens du condamné. Les moyenne et basse justices reconnaissent au seigneur toute compétence, dans les environs de Paris, pour juger des affaires impliquant des sommes jusqu’à 60 sols.

Carte manuscrite sur parchemin de 1528 - Archives du Musée Condé Chantilly CP-C-0100) - cliché jmrb_2006Un parchemin de 1528 conservé au Musée Condé de Chantilly, a servi de support à un dessin repérant le bornage du Bois de Bertinval ; il montre la ville et la Justice de Chaumontel représentée par une potence, lieu où étaient exposés les voleurs durant deux ou trois jours.
En 1381, le fief comprend une maison avec tous les jardins et fossé.
C’est en 1389 qu’un autre acte mentionne l’hostel du Pralet.
Au 15ème siècle, le bâtiment, en mauvais état, est acheté par Nicolas Du Ru à Blanche de Berchères : l’hostel est au vilage de Chaumontel-lès-Luzarches appelé le Praesley, lequel hostel est de présent fort désolé. La propriété se compose alors de jardins, fosses à poissons, terres, prés et 70 arpents de bois en une pièce.

Au 16ème siècle, François du Souchay, seigneur de Chaumontel et du Preslay, vend à Jehan du Tronçon et à Claude Fichepin, sa femme, l’hôtel seigneurial du Pralet et les dépendances du fief, le moulin à eau, les terres et les prés. Autour de la maison seigneuriale se trouvaient des jardins. De l’autre côté du chemin menant de Chaumontel à Luzarches – actuel Chemin de la Paroisse -, c’est à dire côté Outreville, un jardin appelé le jardin Madame servait de potager. Une nouvelle fois, le bâtiment est en partie en ruine, les fossés comblés et les murs de clôture abattus.

La famille Tronçon reste propriétaire des lieux jusqu’en 1707, année de la vente de la terre et de la seigneurie de Chaumontel par Anne-Marie Tronçon, Dame de Chaumontel et du Praeslay, veuve de Mathieu Garnier de Montreau, Président à mortier au Parlement de Metz (le mortier est la toque ronde que portaient les présidents, le greffier en chef du parlement et le chancelier de France). Le 31 décembre 17 07, le fief est acquis, avec Chaumontel-la-Ville, par Henri III Jules de Bourbon, Prince de Condé, fils du Grand Condé, Louis II de Bourbon.

Musée condé Chantilly
Louis II Le Grandé Condé
Louis II le Grand Condé
Henri Jules - Prince de Condé
Henri Jules Prince de Condé
Louis III Prince de Condé
Louis III Prince de Condé

Le bien se compose alors du château et enclos, de Chaumontel-la-Ville, des arrière-fiefs Boulie-Maillard, des Déruchis et des Commissions. L’acte de vente mentionne le château, les jardins, les fossés remplis d’eau, les viviers, la fontaine, le parc, la maison et le jardin d’Outreville, une petite place avec jardin, une ferme située près du pont du château appartenant à Monsieur Molé, appelée le fief Vitel, une volière à pigeons, des étables, une grange, une écurie.
La maison seigneuriale est à l’intérieur de murs, de fossés et de haies vives entre le chemin de Chaumontel au Château de la Motte de Luzarches, la ruelle de la Guillotte et la voierie qui va de Chaumontel aux Dames de Montmartre (la ferme des Nonains). La maison située face à l’entrée du château appelée Outreville est destinée à loger le jardinier.

Ancien portail donnant accès au Château - Cliché jmrb 2006
Ancien portail donnant accès au Château - Cliché jmrb 2006
Chemin de Chaumontel au Château de la Motte Chemin de la Paroisse - cliché jmrb_2006
Chemin de Chaumontel au Château de la Motte Chemin de la Paroisse- cliché jmrb_2006

En 1737, le fils de Henri-Jules de Bourbon, Louis III, Duc de Bourbon-Condé, cède le château et l’enclos du Prasley à Sigismond de Sarrobert, Ecuyer, Chevalier de Saint-Louis, capitaine des chasses du Prince. Le fief du Pralet prend le nom de fief de Sarrobert.
En 1745, Sigismond de Sarrobert fait abattre un orme dénommé l’Orme du fief Vitel.
En 1749, Louis de Sarrobert, fils aîné de Sigismond de Sarrobert, Ecuyer, Chevalier de l’Ordre militaire, vend le fief de Sarrobert à Jules-Charles Thourou d’Arsilly, seigneur de Bertinval.

Rappelons qu’aux alentours de 1750 (voir AutrefoisChaumontel n°1), le jardinierdu Château obtient, pour la première fois, une poire par greffe, la célèbre Poire Bési de Chaumontel. L’obtention de ce fruit est le résultat d’un lent travail commencé vers 1650, lorsque Agathe Pain apporte du nord de la France une poirée. Au château, elle met en terre quelques pépins. Un sauvageon épineux croît et l’arbre porte plus tard des poires classées, en 1675, parmi les meilleures. Le poirier aurait disparu en 1789.

La Maison d’Outreville face à l’entrée primitive du Château,

La Maison d’Outreville face à l’entrée primitive du Château, chemin de la Paroisse (Musée Condé Chantilly – CP-C-0103) – cliché jmrb_2006
 

L’hôtel seigneurial de Chaumontel sert de prison - tour nord-est - et est doté d’un auditoire pouvant recevoir une quarantaine de personnes. Un prévôt y est chargé des litiges relatifs aux affaires du commerce, aux difficultés survenant entre les corps de métiers.
Il exerce des fonctions concernant la voierie, le tabellionnage (fonctions notariales), le greffe, les prisons, les poids et mesures, les fours, les moulins et les pressoirs banaux (ces fours, moulins et pressoirs sont obligatoirement utilisés par les gens de la seigneurie contre paiement d’une redevance au seigneur du lieu).

En 1775, Jules-Charles Thourou d’Arsilly vend, à son tour, la propriété à Augustin-Louis Bouillard de Bélair, Conseiller à la Cour des Comptes et Maire de Chaumontel de 1819 à 1823. Elle comprend château, bâtiments, cours, basses cours, parterre, fossés en eau, pont-levis, potagers, vergers, bois, futaies et taillis, bosquets, allées, prés, oseraies, le tout fermé en partie par des murs, haies vives et fossés et traversé par l’Ysieux. La seigneurie disparaît à la Révolution.Signature de A.L. Bouillard de Bélair, Maire de 1817 à 1824 (archives municipales Chaumontel – cliché jmrb_2006)

De 1775 à 1838, le Château est la propriété de la famille Bélair-Damours, puis, en 1838, elle est acquise par la famille Seydoux qui offriront à la ville un terrain pour l’installation du nouveau cimetière.
De 1857 à 1885, le château est la propriété de M. Millescamps. Louis Théophile Millescamps est membre de la Chambre de Commerce de Paris, Chevalier de la Légion d’Honneur et l’un des régents de la Banque de France.
 
A partir de 1885, le château appartient successivement aux familles Vogt, Herr et Rigard.
En 1956, le Château de Chaumontel est aménagé et change de vocation : c’est un hôtel – restaurant. Il sert également de cadre pour le cinéma.

Présentation des menus du Château de Chaumontel (Collection Patrick Rigard) - cliché jmrb_2006La Maison d’Outreville est vendue à la famille Canuet en 1850. Un des descendants sera maire de la ville de 1898 à 1912, succédant à Gustave Goret (1892 -1898). Une industrie locale de dentelles de Chantilly s’y développe. Au début du 20è siècle, des aménagements sont apportés : de grandes salles de style normand permettent l’agrandissement du bâtiment central de style classique datant du 18è siècle. La grange est transformée en salon, salle à manger et vestibule.

En 1988, la Maison d’Outreville devient propriété de la famille Tillier. Le site est choisi pour son originalité et ses décors inédits pour le tournage de films de cinéma ou de télévision. Parmi les comédiens et réalisateurs et metteurs en scène passés par la Maison d’Outreville, citons Yves Robert et Bernadette Laffond, Ludmilla Mikaël, Gérard Jugnot et Suzanne Flon, Michel Galabru, Dominique Lavanant, Alfredo Arias, Catherine Jacob et Dominqiue Blanchard, Richard Berry et Patrick Timsit.

Sources : Archives du Musée Condé Chantilly et dossier Patrick Rigard, propriétaire du Château de Chaumontel, Archives départementales du Val d’Oise, Archives communales de Chaumontel, Le Chaumontellois 42 de novembre 2000.
Jean-Michel Rat & Renée Baure-Rat © 2006 - Email

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