L'instruction publique à Chaumontel - des origines à 1840

La croix apposée au bas des documents constitue la marque du signataire (archives communales-cliché jmrb_2007) La première mention d’un clerc dit « maître d’école » à Chaumontel remonte à 1614 : il s’agit de Johannes Pruche. Cette famille de notables a laissé de nombreuses traces dans les rares archives de l’histoire du village. L’enseignement est alors placé sous la responsabilité de l’Eglise et il est dispensé par les religieux qui enseignent surtout la lecture et l’écriture ; mais rares sont les villageois capables de simplement signer les actes d’état-civil. Johannes Pruche quitte sa fonction en 1624 et est remplacé par le Prévôt (officier royal) de Chaumontel.

 

La petite maîtresse d’école – vers 1740;Tableau de Jean-Baptiste-Siméon Chardin (cliché jmrb_2007)
Au XVIIeme siècle et pendant une grande partie du siècle suivant, le maître d’école est encore le plus souvent un clerc d’église, un secrétaire de Fabrique[1] mais peut aussi être un greffier, voire un homme exerçant un métier manuel. Ses revenus sont composés d’une rétribution assurée par le budget de l’église, d’une compensation en monnaie pour le balayage de l’église et d’une aide pécuniaire des ménages qui y envoient leurs enfants. Il reçoit également une rétribution pour sonner les cloches lors des services religieux.
Le maître d’école doit être « qualifié de capable et être de bonnes mœurs ». Sa mission comprend l’éducation « par l’exercice de la piété, et l’instruction » – lecture et écriture. Nommé par l’assemblée des habitants, il peut être révoqué.
[1]  La Fabrique est l’établissement qui représente et administre les intérêts temporels d’une église. Ses membres sont appelés les fabriciens.
Voici quelques uns des maîtres ayant exercé à cette époque :

  • 1641 : Nicolas Le Couvreur - magister
  • 1642 : Champagne et Charles Gourdon – maîtres d’école
  • 1652 : Hudde
  • 1656 : Michel Portier – clerc de la paroisse
  • 1661-1665 : Nicolas Charpentier – clerc de la paroisse
  • 1674 : Valentin Sinot
  • 1675 : Florent Bégnier – maître d’école. On trouve mention, le 1er mai 1675, du don de 30 sous fait au maître par le curé (un ouvrier vigneron gagnait environ 15 sous par jour).
  • 1680-1682 : Robert Lanté
  • 1683 : Goyer
  • 1685 : Louis Masson – « maistre descolle »
  • 1687 : Louis Massu et Mathieu Leduc

(250 habitants dans le village)

  • 1719 : François Banse - instituteur
  • 1725 : Charles Lebègue
  • 1731-1760 : Le 26 décembre 1731, un nouveau clerc est désigné, Nicolas Thibaut, issu d’une famille de Chaumontel. Il reste en charge de cette mission jusqu’en 1760.
  • 1763-1764 : Jean-Simon Noël – maître d’école et clerc de la paroisse
  • 1768-1769 : Bonnefoi – maître « d’ecolle »
  • 1780 : Hersant – maître d’école

(319 habitants ans le village)
On remarque que, pendant plusieurs années, on ne trouve plus trace des maîtres d’école du village. Le niveau d’instruction dispensée à Chaumontel est alors tel que l’archidiacre de Paris, en visite pastorale en 1728, remarque que les enfants ne sont pas instruits, faute de maître d’école. Il ordonne que la somme prévue pour la sonnerie des cloches dans le budget de la Fabrique, soit réellement reversée au profit de la rétribution d’un maître d’école choisi.

Un document de 1776, portant mention d’ « un orme au Carrefour de l’école » laisse supposer que l’instruction était alors dispensée dans une « maison  sise dans le village ». Il est précisé que « la classe  ne pouvait accueillir qu’une trentaine d’élèves ».

La destruction de toutes les archives communales antérieures aux années 1819 ne permet pas d’établir la continuité de l’histoire de l’enseignement à Chaumontel. Les informations qui précèdent proviennent de documents inédits et familiaux, mais la période révolutionnaire à Chaumontel n’a laissé aucun acte authentique précis, à notre connaissance.

Il nous a paru,essentiel de faire un bref rappel des faits et des idées nouvelles ayant entraîné de grands changements, à l’échelle nationale, dans l’approche de l’enseignement, en cette fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.

A l’avènement de Louis XVI, en 1774, le pouvoir absolu du roi est plus un principe qu’une réalité. Les trois ordres, clergé, noblesse et tiers-état, sont profondément divisés en leur sein même. Les 4/5 de la population sont constitués par les paysans dont une grande partie éprouve beaucoup de difficultés à permettre aux enfants d’accéder à un minimum d’instruction, dans la mesure où il faut prendre en charge tous les frais et se priver du rapport que constitue le travail des enfants. Seuls les enfants de la noblesse et de la bourgeoisie, classe en plein essor, bénéficient d’une instruction suivie.

Condorcet – Ecole de Greuze -Château de Versailles (cliché jmrb_2007)Sous l’impulsion des philosophes, comme Condorcet [2] et Lakanal, les Assemblées Constituante, Législative et la Convention se proposent d’organiser l’instruction publique, les problèmes majeurs étant, d’une part de choisir les matières à enseigner et d’autre part, de décider à qui serait confié l’enseignement puisqu’il était entendu qu’il ne devait pas rester uniquement dispensé par les religieux, et dans quelles conditions pécunaires.

[2]  Sur l’instruction publique, il est suggéré de lire l’excellente analyse de Catherine Kintzler Condorcet, l’instruction publique et la naissance du citoyen, ouvrage publié aux éditions du Sycomore en 1984.

Dès décembre 1792, la Convention, sur les propositions de Lanthenas, rapporteur du comité d’instruction publique, décrète : « Les écoles primaires formeront le premier degré d’instruction. On y enseignera les connaissances rigoureusement nécessaires à tous les citoyens. Les personnes chargées de l’enseignement dans ces écoles s’appelleront instituteurs. »

Voici le projet présenté par Lakanal et qui devint le programme d’enseignement des écoles primaires (Loi du 27 brumaire an III -17 novembre 1794), malgré l’opposition des Montagnards (Danton, Robespierre, Marat etc)
«  L’instituteur enseignera 1°à lire et à écrire ; 2° la déclaration des droits de l’homme et la constitution ; 3°des instructions élémentaires sur la morale républicaine ; 4° les éléments de la langue française, soit parlée, soit écrite ; 5°les règles de calcul simple et de l’arpentage ; 6° les instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature ; on fera apprendre le recueil des actions héroïques et les chants de triomphe.» En même temps, le projet établit que les écoles seront divisées en deux sections, l’une pour les filles, l’autre pour les garçons, et distribuées à raison d’une pour mille habitants. Les maîtres, nommés par le peuple et agréés par un jury, doivent toucher un traitement de 1 200 F pour les hommes et 1 000F pour les femmes ».

Plan de Chaumontel-la-ville situant la « maison d’école » entre l’Ysieux et sa dérivation, rue des Deux-Ponts (Archives Condé Chantilly CP-C 0103 – cliché jmrb_2006)Le Directoire, le Consulat et l’Empire réorganisent, améliorent et développent l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Cette mise au point terminée, signalons que le seul renseignement que nous avons trouvé sur cette période, concerne le Citoyen Fourcroy qui était maître d’école à Chaumontel en 1793.

Vingt-cinq ans plus tard, Jean Antoine Dumont, instituteur breveté par la commission d’instruction publique et « autorisé » par le préfet, le 22 octobre 1818, est installé dans la maison d’école à la Saint-Martin, le 4 septembre 1818.  Extrait de délibération du conseil municipal faisant état de l’installation de Jean Antoine Dumont (Archives municipales – cliché jmrb_2007)

Par ordonnance du roi du 10 mars 1819, l’école nécessitant des travaux, la commune est autorisée à effectuer les réparations.

Le programme de ces travaux, prévus par la mairie le 6 juin 1819, dans « la maison d’école » nous présente une description sommaire du bâtiment et de son exposition.

« La chambre et le cabinet contigu » ne reçoivent, avant les travaux, que « la seule clarté que leur donnent la porte et les fenêtres du côté du couchant ». La salle de classe est extrêmement humide et insalubre malgré la croisée donnant sur la rivière et une porte vitrée ouvrant sur le couchant.
L’instituteur consent à l’ouverture de « deux croisées de 3 pieds de haut sur deux pieds trois pouces de large, dans la chambre » qu’il occupe et dans le cabinet contigu. Elles permettent une ouverture du côté sud sur une pièce de terre qui lui appartient, et « offriront une grande salubrité » après avoir « détruit l’extrême humidité des deux pièces ».

De la même manière, il demande l’ouverture d’une « croisée supplémentaire » pour la salle de classe, craignant « que les enfans arrivans à l’école suans pendant les chaleurs, n’éprouvassent du refroidissement pendant leur séjour à l’école et n’en fussent bien incommodés ».
Les travaux permettent effectivement un assainissement de la salle de classe, la disparition de l’humidité et la pénétration de la lumière. L’instituteur, reconnaissant envers la commune, abandonne, pour preuve de son dévouement, « tout intention de reboucher les croisées, tant que la maison  sera maison commune et école ».

Jusqu’en 1819-1820, l’instituteur instruit les enfants chez lui. Il bénéficie d’un agrément du maire et du curé. A partir de 1820 jusqu’en 1832, la commune loue un local qui devient maison commune, situé dans la rue de Glanne [3] . (363 habitants dans le village)

Leflamand, membre du conseil municipal et membre du conseil cantonal pour l’instruction primaire, chargé de l’inspection de l’école de Chaumontel, estime « de son devoir de signaler au conseil l’insalubrité du bâtiment où se tient l’école ». La pièce qui reçoit les enfants est « beaucoup trop petite pour contenir tous ceux qui pourrait fréquenter l’école, qu’elle est à un mètre et demi de la rivière, que le sol est plus bas que le niveau de l’eau, que le plancher du grenier au-dessus est à un mètre 75 cm du sol en sorte qu’un homme de taille normale ne peut y tenir debout ».

Le conseil, reconnaissant la justesse des observations, fait observer que le manque de local et la pénurie de la commune dans ce domaine a toujours paralysé « les bonnes intentions ».

Le 18 août 1832, il est question « d’abandonner  la maison d’école » pour la remplacer « par des constructions dans l’église ». Le conseil délibère sur la vente de l’école et sur le projet d’une école dans l’église.

Pour ce faire, il faut :
1° Un procès-verbal d’estimation de l’école à aliéner ;
2° un plan figuré de cette école ;
3° les devis des travaux à faire dans la partie de l’église où serait placé l’école et le logement de l’instituteur ;
4° Un plan figuré de l’église. [4]  ;
5° un consentement de l’administration de la Fabrique de Luzarches, commune usufruitière de l’église ;
6° enfin une délibération plus explicite du conseil.
[3] Aujourd’hui rue de la République
[4] Malheureusement aucun plan n’est parvenu jusqu’à nous.

Le conseil examine les pièces présentées. Il considère que l’insalubrité de l’école actuelle est telle que la plupart des parents refusent d’y envoyer leurs enfants, que la proximité de la rivière rend impossible l’assainissement, qu’il faudrait une reconstruction totale beaucoup plus coûteuse qu’un aménagement dans l’église, qu’en outre « l’église ne sert plus au culte depuis plus de vingt ans » , que la paroisse de Chaumontel est réunie pour le spirituel à celle de Luzarches, que si cette église devait être rendue au culte, la partie qui serait affectée à l’école « ne contrarierait en rien cette destination ». La résolution est adoptée.

Le 13 septembre 1832, le conseil de Fabrique de Luzarches consent à la construction projetée dans l’église.

Signatures de M. Lheurin, maire, et des membres du conseil municipal, en 1832 Délibération du conseil municipal (archives municipales – cliché jmrb_2007) Mais, le 16 mai 1833, à la suite des délibérations de la fin de l’année précédente, le maire, M. Lheurin, invite le conseil, réuni en la demeure du maire, à examiner un nouveau projet pour la maison d’école. Une maison appartenant à M. Provôt, charpentier, semble mieux convenir que les constructions dans l’église. « Cette maison est placée dans la partie la plus peuplée et la plus fréquentée du village, dans un carrefour, face à l’église, dans la position la plus avantageuse ».

Avant de se prononcer, le conseil souhaite connaître l’état de l’intérieur des bâtiments et nomme deux commissaires, MM. Louvet et Dumont, chargés de visiter les lieux.

Les deux commissaires font leur rapport de visite, après s’être absentés une heure : « La maison que le conseil nous a chargés d’examiner est élevée d’un rez-de-chaussée, d’un premier étage et d’un grenier : le rez-de-chaussée se compose de deux pièces à feu, séparée par un passage d’allée qui a son entrée sur la rue et sa sortie sur une petite cour particulière dépendant de la maison ; la pièce à droite est spacieuse et pourrait contenir quarante enfants ; celle de gauche un peu moins grande peut servir de cuisine :le premier desservi par un escalier, est composé de deux pièces à feu ; au-dessus un grand grenier ; les murs, la charpente, la toiture en tuiles, les portes et fenêtres sont en bon état. Le rez-de-chaussée très élevé sous plancher demande un carrelage neuf, mais pour la salle qui servirait d’école seulement, on peut s’en dispenser pour le fournil ; quelques carreaux de vitres, un blanchissage à la chaux ou à la colle, fait à l’intérieur, sont toutes les réparations qu’exigerait le bâtiment ».

 Le montant des travaux est évalué à 200-250 francs auquel il faudrait ajouter une cinquantaine de francs au cas où le conseil déciderait de créer deux pièces dans le fournil, la partie arrière servant de cuisine et la partie avant servant de corps de garde, dispensant la commune de louer un local pour cette destination. »

Le rapport confirme « l’opinion que le conseil avait des avantages que présente cette maison », le local convenant mieux par sa position et par sa distribution que l’église, qui avait été choisie faute de bâtiment. Les dépenses d’acquisition et de réparations sont un autre argument : elles sont inférieures au montant des constructions envisagées dans l’église. En outre, la maison achetée par la commune serait  une propriété incommutable alors que l’existence de l’école dans l’église pourrait être sujette à contestation ; il considère de plus que « la maison solidement construite promet une longue durée, tandis que quelques parties de l’église sont dans un état de délabrement qui appellent de prochaines et dispendieuses réparations de sorte que l’école qui serait établie dans son enceinte, pourrait, par suite de travaux, être fermée pendant un tems indéterminé ».

Délibération n° 33, de 1833, relative à la transaction entre la commune et M. Prévost, propriétaire (Archives municipales – cliché jmrb_2007) La commune demande des subventions pour la construction de la nouvelle école.
Le 21 mai 1833, le conseil municipal se prononce pour l’acquisition d’une maison pour la tenue d’une école, avec copie de la vente faite sous seing privé de cette maison à M. Lheurin, maire, par le Sieur Prévost, propriétaire.

En 1834, 14 enfants sont admis gratuitement à l’école (9 garçons et 5 filles), ce qui correspond à peu près à la moitié de l’effectif scolarisé.

Mais, en 1836, l’école dispose d’un mobilier délabré et souffre d’une absence de chauffage. Le maire expose à son conseil « que le mobilier de l’école, si toutefois on peut donner ce nom à une table et à deux bancs dont les pieds cassés et vermoulus sont remplacés par des briques qui servent d’étais, a besoin non pas d’être renouvelé, mais d’être créé ». « L’état de pénurie dans lequel se trouve la commune » l’engage à demander un secours pour établir le mobilier de l’école. Le maire a pris sur lui, « dans l’intérêt de l’Instruction », de faire fournir par M. Hudde « un poële et ses tuyaux, mesure sans laquelle l’école aurait été déserte pendant tout l’hiver dernier ».

La demande de subvention présentée en 1836 reçoit, en 1837, une suite favorable.

 Le maire, M. Lheurin, et le conseil insistent sur « l’urgence  à remplacer le mobilier de l’école où le peu de meubles qui s’y trouvent ont été prêtés par des habitants qui en réclament la restitution ».

Les instituteurs, à cette période, sont :

  • 1819-1830 : Jean Antoine Dumont
  • 1830-1834 : Alexis Thiénard
  • 1834-1838 : Félix Meslin
  • 1838-1847 : Jean Davesne

(433 habitants dans le village)

Jean-Michel Rat & Renée Baure-Rat (†}

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