Les rues, ruelles, sentes et chemins (1/2)

À Chaumontel, les rues étaient d’abord des chemins ou des ruelles avant de prendre le statut de rues.

Chaumontel vers 1750
Chaumontel vers 1750 (Musée Condé Chantilly – CP-C-0103)
  • Travaux de voierie et largeur des voies

Le 9 mai 1819, une prestation est programmée « pour terminer les chemins vicinaux » de Chaumontel :

« Dix-sept journées de voitures à trois chevaux ;
Onze de chevaux et bêtes de somme ;
Quatre-vingt-une journées d’ouvriers ;

Il a été fixé le prix de la voiture à trois chevaux à dix francs ;
celui d’une journée de cheval à 3 francs ;
et celui d’une journée d’homme à 1F25. »

M. Lheurin, adjoint au maire, est chargé de la surveillance des travaux dont l’exécution est prévue en ateliers, le plus tôt possible afin « d’employer avant les foins les 81 journées d’hommes, ainsi que les voitures et les chevaux » :

« 1° - de la ruelle derrière le potager de M. le maire, dont les ornières seront comblées, de  manière à pouvoir voiturer le sable nécessaire qui sera pris du consentement de M. le maire et de M. Lheurin, sur le heurt qui sépare le trou à sable de l’ancien ;

2° - à partir du pont le long des murs de M. le maire, il sera établi un trottoir de trois pieds de large, jusqu’au carrefour vis-à-vis la porte du sieur Robinet ; pour fournir un écoulement facile aux eaux du Rüt du pont de Cé, il sera fait un fossé le long des héritages et terres depuis la 1re maison à gauche de Thibault jusqu’au faux rüt, lequel fossé aura trois pieds en tête et 15 à 18 pouces au fond ; les terres en provenant serviront à combler les ornières du chemin et à adosser le trottoir projeté ;

3° - sera continuée la chaussée depuis le pont, jusqu’au pavé neuf en face du cimetière, et ce en cailloux qui seront pris sur les Brûlis et amenés par les tombereaux requis ;

4° - il sera fait par le paveur sur le pavé depuis la grande route jusqu’à l’église une recherche et un bouchement des trous avec le pavé ramassé, étant le long des murs de M. Da ;

5° - il sera employé quelques journées d’ouvriers à rendre praticable le Chemin Vert qui longe le bas de la Charbonnière, et notamment il sera pratiqué des cassis pour l’écoulement des eaux qui le traversent et y forment des bourbiers impraticables même pour des gens de pieds ».

Le trottoir prévu pour les piétons, depuis la rivière jusqu’au carrefour en face de la ferme de M. Thibault, séparé en deux par le pont du Faux-Ru, est réalisé. Il  a une largeur de deux pieds avec une pente permettant l’écoulement des eaux. Il est à l’usage exclusif des piétons.

Il reste à réaliser la jonction du pavé de la Grande Rue en redescendant sur la rivière, dont une partie est déjà en cailloux et bordée d’un ruisseau pour l’écoulement des eaux provenant du haut du village jusqu’à la rivière.

« Il existe déjà un trottoir garni de bornes de distance en distance mais assez éloignées des maisons pour que les bestiaux, les chevaux allant à l’abreuvoir, même les bourriques, y passent journellement, ce qui le rend impraticable pour les piétons pendant la mauvaise saison »[1].

Le 8 mai 1822, l’existence de plusieurs voiries est évoquée :

  • « une voirie ancienne dite de Viarmes à Senlis aboutissant au pavé, entre les  bois de Bertinval et d’autres bois de particuliers, et traversant le territoire jusqu’à l’ancien clos de Bertinval et au chemin entre ledit clos et les bois de Royaumont, laquelle avait trente-six pieds environ de large et de la même largeur que celle existant encore entre les bois ci-dessus désignés près le pavé et celui de Royaumont ci-dessus relaté  ;
  •  une voierie dite la pièce Côme[2] partant du village et aboutissant au chemin de Coye, le long de la pièce Côme (qui) avait  anciennement dix-huit pieds dans toute sa longueur et se trouve actuellement si réduite qu’une voiture ne peut plus y passer ;
  • le long du parc de Chaumontel à l’embranchement du chemin menant à Chaumontel-les-Nonnains, il existait le long du mur dudit parc un chemin de voiture tournant le long du mur jusqu'à la rivière sur une longueur de plus de 12 pieds, qui se trouve réduit depuis ledit embranchement jusqu’à l’angle du mur dudit parc, d’une manière qu’aucune voiture ne peut plus passer ;
  • dans le chemin de Chaumontel à Bertinval existait un chemin dit de Belloy, lequel aboutissait à Seugy et avait la largeur suffisante pour passer deux voitures, tandis qu’actuellement une seule peut y passer avec peine. »

Le maire est invité à prendre connaissance du plan général du territoire de la commune chez M. Belier[3], arpenteur géomètre à Luzarches, et à se faire délivrer des extraits certifiés de la largeur et longueur desdits chemins afin de les rétablir dans leurs dimensions initiales, « après la récolte ».

Le 14 septembre 1822, M. Belier présente le plan général du territoire dressé par son prédécesseur, M. Troussu, en 1777. Il apparaît que « des empiétements sur la largeur ancienne desdits chemins faites par les riverains dans presque la totalité de la longueur desdits chemins » ont eu pour conséquence la réduction de leur largeur. On décide de procéder à la rectification des tracés en présence des propriétaires riverains, MM. Pluyette, Thibaut, Métas et autres personnes non désignées. 

Le 20 février 1827, quatre états constatant la longueur et la largeur de tous les chemins situés sur le terroir de Chaumontel, et dressés par M. Belier, sont présentés au conseil municipal. Y figurent les sentes existant alors et celles qui ont été fermées depuis des années par des héritiers du sieur Métas. L’un des « quatre états a été publié au son de la cloche et affiché à la porte de l’église ». Aucune réclamation n’ayant été formulée, les membres du conseil municipal  ont délibéré.

 

[1]Archives Chaumontel 1D1.
[2]Dite ruelle Morantin.
[3] Belier, arpenteur géomètre à Luzarches en 1822, successeur de Troussu (1777), suivi en 1864 par  Réthoré, géomètre de la commune.

 
 

texte illustratif
Reconnaissance des rues, ruelles, sentes et chemins de Chaumontel (Archives Chaumontel)

La première partie du chemin dit « de Viarmes à Senlis, laquelle doit avoir 10 mètres40 centimètresde largeur sur une longueur de 760 mètres, n’a dans ce moment (d’après les empiétements des propriétaires) que six mètres de large […] ; cette partie doit être mise à une largeur de huit mètres […]. La deuxième partie dudit chemin longue de 230 mètressur 9 mètresde large […] ayant été mise en délibération, le conseil est d’avis qu’elle serait mise à la largeur de  huit mètres comme celle de la première partie […] ; quant aux deux autres parties […], le conseil est d’avis de les laisser dans la largeur où ils étaient […].

Le chemin de Belloy à Senlis […] serait maintenu dans sa largeur actuelle qui est celle qui existait au plan de 1777.

Le chemin de Bertinval ayant été mis en délibération, le conseil est d’avis de conserver la première partie dudit chemin dans la largeur portée au plan de 1777 […] ; quant à la deuxième partie portée audit plan pour une longueur de 1 042 mètreset large de 12 mètres[…], vu les empiétements faits par les propriétaires riverains et vu le besoin qu’a la commune du chemin, on pourrait le réduire à une largeur de vingt-quatre pieds (sic)[4].

Le chemin du Poirier aux Chats ayant été mis en délibération, le conseil est d’avis qu’au lieu d’une largeur de huit mètres qu’il avait d’après le plan de 1777, il serait réduit à une largeur de six mètres […].

Le chemin de Chaumontel à Luzarches […] resterait dans l’état actuel qui est celui du plan de 1777.

Le chemin dit de la voirie des Coutumes des Prés […] serait laissé dans l’état actuel qui est celui porté au plan de 1777.

La ruelle de la Guillotte, et autre partie de la voirie des Coutumes des Prés […] ainsi que les deux premières parties faisant une longueur de 375 mètres, serait réduite à une largeur de six mètres […] ; cette largeur est suffisante pour la viabilité ; quant à la troisième partie formant une longueur de 130 mètressur une largeur de cinq mètres, elle serait conservée dans la largeur actuelle conforme au plan de 1777.

La ruelle du Bois […] resterait dans l’état actuel qui est celui porté au plan de 1777.

La ruelle des Brûlis […] serait maintenue dans la largeur portée au plan de 1777.

La ruelle de la Genestraye[…] serait conservée dans la largeur portée au plan de 1777.

La ruelle Morantin et la sente des Rayons […] seraient maintenues dans la largeur portée au plan de 1777.

La sente de Bertinval […] serait maintenue dans sa largeur actuelle qui est celle portée au plan de 1777.

Les trois ruelles allant de la Grande Rueà la rivière ayant été mises en délibération, le conseil a été d’avis que les deux existantes seraient conservées dans leur largeur actuelle qui est celle portée au plan de 1777. Quant à celle fermée depuis plusieurs années par le sieur Pluyette, le conseil, après une discussion assez vive, a décidé que cette sente serait rouverte attendu le grand besoin qu’en ont les habitations voisines, et qu’elle serait maintenue dans la largeur portée au plan de 1777.

La ruelle conduisant à la fontaine publique ayant été mise en délibération, le conseil a décidé que la première, ayant son entrée dans la rue du village dite du Tertre ayant […] pour la première partie environ 60 mètresde long jusqu’au bout du mur de la ferme du sieur Jarlet sur une largeur d’un mètre 40 centimètres, serait conservée dans cette largeur et que la deuxième partie ayant 190 mètresde longueur sur trois mètres de largeur serait aussi conservée pour cette même largeur ; quant à la deuxième ruelle qui a 161 mètresde long sur deux mètres de large, le conseil est d’avis qu’elle soit conservée dans sa largeur actuelle »[5].

En mai 1827, la réparation des chemins communaux est mise en délibération. Le conseil estime que le chemin traversant la commune depuis la rivière jusqu’à la porte de la ferme du sieur Robinet devrait être réparée « et que même il serait à propos de le faire paver entièrement attendu qu’il est de la plus grande utilité pour tous les habitants de la commune »[6].

En 1830, les travaux de réparation de la Grande Rue du village, dont « le pavé était fort dégradé en diverses places », nécessitent de demander « à chaque individu devant la prestation pour lui, ses domestiques, ses chevaux, ses bêtes de somme et charrettes, une journée seulement de travail  […] laquelle devra être exécutée à commencer du 1er mai 1830 jusqu’au 1er juillet suivant »[7].

La journée de travail est estimée à un franc vingt-cinq centimes par individu ; deux par cheval de trait ; soixante-quinze centimes par bête de somme ; cinquante centimes par charrette. Les sieurs Bécret père et Dulude sont nommés commissaires pour la surveillance des travaux.


[4]Environ 8 m.
[5]Archives Chaumontel 1D1.
[6]Archives Chaumontel 1D1.
[7]Archives Chaumontel 1D1.

La grande rue du village
La grande rue du village (CP collection particulière)

En 1829, un différend s’élève entre la commune de Chaumontel et M. le duc de Bourbon,  prince de Condé. M. Da, maire, expose que les gens du prince « s’étaient permis de planter deux cent trente-deux arbres essence de frêne dans une route traversant les pâtures et usages de Chaumontel et aboutissant au carrefour dit des Trois-Frères, que par ce faisant ils acquéraient la propriété de ladite route audit prince de Condé ». Pour en conserver la propriété, le maire a fait ouvrir des fossés aux deux extrémités pour réunir cette route aux pâtures et en même temps pour en empêcher l’accès à M. le prince de Condé et à ses gens « étant attendu que cette dite route n’est véritablement utile que pour l’agrément de la chasse ».

M. Obry, inspecteur et directeur général du domaine de M. le prince de Condé, explique au maire que cette route avait toujours appartenu au prince, que des travaux d’entretien de la route et de curage des fossés y étaient effectués depuis des années. La route étant enclavée dans la pâture, le maire estime que cette dernière ne peut devenir propriété du prince.

Souhaitant  terminer à l’amiable cette contestation, M. Obry nomme M. Dufaÿ, avoué de M. le prince de Condé demeurant à Senlis et porte-fort pour le prince, afin de proposer au maire les conditions suivantes :

« 1° - de renoncer à la propriété de la route des Trois-Frères traversant la pâture et usage de Chaumontel et en outre le petit layon du bois Brandin qui vient aboutir dans le milieu de cette route, à la charge de la commune […] ;

2° - de rembourser à M. le prince de Condé la somme de cinquante centimes pour chaque pied d’arbre planté dans ladite route pour frais de plantation et achat d’arbre ;

3° - d’accorder audit prince et à ses successeurs la permission de passer dans cette route et dans le layon ci-dessus désigné quand bon lui semblera et ce à toujours, tant pour l’exercice de la chasse que pour l’exploitation du bois et pour telle autre cause que ce soit ;

4° - et enfin d’accorder audit prince et à ses successeurs la faculté de faire faire sur ladite route et layon les travaux qu’ils jugeront nécessaires pour leur entretien et assainissement »[8].

Le conseil municipal, composé de MM. Da, maire, Bécret père, Dulude aîné, Goret Prudent, Dumont, Louvet fils, Guibert père et Courtois, accepte unanimement la proposition du prince de Condé.

En mai 1831, il est envisagé de faire des réparations « à la rue du village nommée rue du Tertre ». Comme à l’accoutumée, une contribution d’une journée de travail est demandée aux personnes employant des domestiques et possédant animaux et charrettes. MM. Bécret père et Dulude sont nommés commissaires pour la surveillance des travaux.


[8]Archives Chaumontel 1D1. 

La rue tertre
La rue du Tertre (CP collection particulière)

Le pavage des rues représente alors une longueur de 200 m. Les pavés sont fournis par les sieurs Roulin et Laurent de Viarmes ; le paveur est le sieur Desnoyelles ; le charroi de sable et le sable sont fournis par les sieurs Robinet et Picque.

En novembre 1831, un nouveau différend oppose la commune et le légataire de S.A.R. le duc de Bourbon, le duc d’Aumale. Une partie du chemin communal qui conduit de Chaumontel à Coye a moins de deux mètres de large dans la portion qui traverse le bois Brandin au lieu des six mètres qu’elle avait à l’origine comme l’attestent les fossés. Cette voie publique étant très fréquentée, le conseil est d’avis de demander au préfet le rétablissement de la largeur d’origine.

Un membre du conseil rappelle « que depuis longtemps la commune  sent la nécessité de la construction de deux ponts, l’un sur la rivière Ysieux et l’autre sur le ru ».

Il fait remarquer combien l’absence de ces ponts nuit aux relations des habitants, et particulièrement à leur communication avec Luzarches où les appellent journellement tous leurs intérêts, puisque c’est dans ce chef-lieu de canton  que résident le juge de paix, les notaires, les huissiers, le curé, les médecins, les marchands ; puisque c’est là que se tiennent les marchés hebdomadaires où ils s’approvisionnent et où ils écoulent leurs denrées.

Il insiste pour que les ponts puissent servir au passage des voitures. Dans l’état actuel, les transports sont plus longs, plus coûteux et l’exploitation rurale plus difficile[9]. Ces ponts sont en effet à peine assez larges pour y laisser passer les bêtes de somme ; en outre, l’un des deux est en bois et menace ruine.

[9]Archives Chaumontel 1D1  

Le pont sur l'Ysieux
Le pont sur l’Ysieux (au fond, la maison d’Outreville) (CP collection particulière)

Le 16 mai 1833, la réparation du pavé de la commune est évoquée au conseil municipal qui constate que « la rue principale du village était dans un tel état de dégradation  que si l’on n’y portait un prompt remède, ce serait sous peu de temps à refaire entièrement ; depuis que les ponts avaient été réparés de manière à permettre le passage des voitures, leurs abords étaient défoncés  parce qu’ils ne sont ni pavés ni même férés »[10].

Le 25 septembre 1833, des fossés sont creusés sur les deux rives du chemin vicinal qui conduit à Luzarches sur la partie dépendante du territoire de Chaumontel, sur une longueur de 250 mètres environ.

En 1841, le conseil interdit « aux voitures de pierre et de bois le passage dans le chemin vicinal de Chaumontel à Luzarches, lequel est en voie de construction et sera terminé cette année ; il est entendu que cette interdiction ne s’applique qu’aux exploitations de bois et des carrières et n’est pas applicable aux habitants des deux communes en ce qui concerne leurs besoins particuliers »[11].

Le bornage du territoire de Chaumontel est achevé en 1841.

En 1842, cinquante mètres de pavage sur une largeur de 3 m sont prévus pour la rue du Tertre.

En 1843, le chemin dit des Carrières rétréci « par anticipation des riverains sera porté à 3 mde large […], les riverains seront tenus de rentrer dans leurs limites »[12].

Le 16 janvier 1845, le préfet invite les communes à se doter de plaques en fonte portant la mention « La mendicité est défendue dans le département de Seine-et-Oise »[13].

En février 1848, le conseil vote à l’unanimité le financement destiné à la confection des plans d’ensemble des chemins vicinaux qui seront établis par M. Boullé, agent voyer cantonal de Luzarches.

Le 12 juin 1848, les plans du village sont fixés. Un projet d’alignement des rues du village est engagé sous le contrôle d’une commission présidée par M. Seydoux, maire, et  composée de MM. Aubin, Bécret, Leflamand, Louvet, deux « propriétaires étrangers au conseil »[14].

Les plans d’alignement sont établis par M. Hurier, géomètre arpenteur à Luzarches, en juillet 1848, et soumis par voie d’affichage aux habitants de Chaumontel. Aucune réclamation n’ayant été reçue, les plans sont transmis pour approbation à l’autorité supérieure.

Il est prévu, la même année, que tous les chemins dont la largeur varie et se trouve plus importante que ne l’exige le besoin des communications seront réduits dans toute leur longueur à neuf mètres, fossés compris, étant entendu que les excédents de terrain seront vendus avec préférence aux propriétaires riverains.

« Par suite des événements de février, beaucoup d’ouvriers se trouvant sans travail, un atelier communal a été formé : 19 citoyens ont été occupés à ramasser sur les Brûlis des pierres destinées à ferrer le chemin n° 3 »[15] (chemin de Chaumontel à Bertinval).

(à suivre)

Jean-Michel Rat et Renée Baure-Rat (†)

[10]Archives Chaumontel 1D1.
[11]Archives Chaumontel 1D2.
[12]Archives Chaumontel 1D2.
[13]Archives Chaumontel 1D2.
[14]Archives Chaumontel 1D2.
[15]Archives Chaumontel 1D2.

 

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